Déplacement du site

1 juillet 2012

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Bientôt, de nouvelles aventures !…

#65

5 septembre 2011

Vers vingt-deux heures, quand la nuit fut bien noire, la sirène se montra. Elle avait sorti la tête de l’eau juste sous un nénuphar, et était restée immobile jusqu’à ce que Jacques l’aperçoive – à la lumière de leur lampe de camping.

Il s’avança prudemment sur le ponton, très étroit.

– Bonsoir !

La sirène disparut, puis reparut contre le ponton.

– Bonsoir.

Isabelle et Juliette s’avancèrent, timidement. Elles avaient l’air assez impressionnées.

– Bonsoir ! dit la sirène à leur intention.

– Bon… bonsoir, répondit Isabelle

– Vous… vous allez bien ? demanda Juliette.

– Très bien, merci.

La sirène se tourna à nouveau vers Jacques :

– On mange ?

Aussitôt, les deux jeunes femmes se jetèrent sur les assiettes, les passèrent à Jacques. Il était amusé par la précipitation avec laquelle elles avaient agit. Mais la sirène fronça les sourcils :

– Pouah, des assiettes en plastique ? Vous savez les dégâts que cause le plastique ? Non, pose les sushis sur un nénuphar, plutôt !

Jacques invita Isabelle et Juliette à venir le rejoindre sur le ponton. Et il mangèrent.

– Pas mauvais. Mais je crois que le poisson, je le préfère vivant.

En se relevant pour chercher le chocolat, Jacques trébucha et tomba à l’eau. Devant l’expression qu’il affichait, un fou rire général éclata. L’atmosphère se détendait.

– Vous voulez le rejoindre ? demanda la sirène, amusée.

Juliette et Isabelle se regardèrent, sourirent, puis partirent se mettre en maillot. Elles entrèrent ensuite dans l’eau, une lampe de plongée à la main.

– C’est quoi, ce que vous avez sur les yeux ? demanda la sirène, intriguée.

– Ça ? Des lunettes de nage. Pour voir net, sous l’eau.

– Je peux essayer ?

Juliette enleva les siennes, et les passa à la sirène.

– Hihi ! J’y vois rien, avec ce truc !

Nouvel éclat de rire. Jacques, lui, n’avait pas de lunettes : il ne distinguait que des formes floues. Et la soirée continua sur cette lancée, dans un joyeux clapotis…

Soudain, Jacques sentit des bras l’enlacer, et un visage se coller au sien. Puis, des lèvres. Surpris, il resta sans réaction un court instant. Puis il se laissa embrasser.

Les lèvres étaient douces et pulpeuses. La salive se mélangeait à l’eau de mer, et avait le goût salé des embruns. Des lunettes de nages appuyaient sur son visage, mais il ne les remarquait même pas. Il se laissait envahir par de doux sentiments, et une folle passion.

La nuit était l’unique spectatrice de ce baiser.

 

FIN

#64

4 septembre 2011

Juliette allait beaucoup mieux. Avec Isabelle, elles faisaient les courses, tout excitées, pour la « rencontre » du soir. Maintenant, même s’il restait difficile d’accéder ou de quitter le village, la supérette était normalement approvisionnée.

La sirène avait demandé des sushis, histoire de voir comment les humains mangeaient le poisson ; et du chocolat, pour tester la nourriture terrestre.

Juliette et Isabelle achetèrent aussi du pain, du fromage, des fruits, de l’eau et du vin blanc. Sans oublier des assiettes et des couverts en plastique.

Elles rentrèrent ensuite se préparer à la soirée, se faire belles. Elles ne se maquillèrent pas : il était très probable qu’elles aillent à l’eau. Et puis, fin prêtes, elles sortirent au coucher du soleil.

Elles retrouvèrent Jacques sur le port. Il les déchargea d’un des sacs du repas, et il se mirent en route pour la petite plage.

C’était paisible. Depuis le « déluge », le village était devenu très calme. On entendait quelques grillons, et une ou deux cigales tardives. Et ils ne virent personne.

La plage était au coin de la digue, qui la cachait du port. C’était une cale de mise à l’eau désaffectée : il y avait un ponton de pierre qui s’avançait dans la mer. L’eau n’était pas gelée, cette fois : elle était recouverte de nénuphars. Comme la mer était lisse, on se serait cru sur un lac – le sel en plus.

Jacques et Isabelle commencèrent à déballer le repas, en attendant la nuit.

#63

3 septembre 2011

– Salut ! dit Isabelle

– Bonjour ! répondit Jacques

Isabelle se redressa

– On se promène ?

– Oui… Je rentrais, quand j’ai vu la mer gelée… Bizarre, non ?

– C’est joli… et ça rafraîchit. Assied-toi, tu verras.

Jacques s’exécuta. Isabelle aperçut la revue : un magazine de sciences.

– C’est intéressant ? demanda-t-elle en désignant la revue.

– Oh, ça ? Ça dépend…

– Il parle de quoi ?

– Celui-là ? D’univers parallèles. Y’a des chercheurs qui pensent qu’à chaque fois que plusieurs possibilités se présentent, plusieurs univers se créent : un pour chaque choix possible. Des fois, les physiciens, ils exagèrent…

– Pourquoi ? C’est très intéressant, comme idée… dans un autre monde, alors, Ève n’a pas mangé la pomme ?

– Oui, voilà, c’est un peu ça… encore faudrait-il qu’elle ait existé.

– C’est presque rassurant, en fait, comme théorie. Quand on a fait un mauvais choix, on peut toujours se dire que dans un autre univers, on a fait le bon !

– Si on veut… mais c’est pas ça qui résoudra nos problèmes.

Elle souriait, amusée. Jacques aussi.

– Et s’il nous arrive quelque chose, c’est juste qu’on est dans le mauvais univers, continua Isabelle sur sa lancée. Après tout, par rapport aux phénomènes étranges de ces derniers temps, il y a peut-être un monde où rien ne s’est passé…

– … et un monde où il s’est passé plus de choses, ou différemment… A ce compte-là, oui, pourquoi pas… Mais je n’y crois pas trop. Ce n’est plus de la physique, c’est de la métaphysique !

Peut-être, oui… mais si la science se mettait à avoir plus d’imagination que les écrivains… le monde serait plus beau, pensa Isabelle.

#62

2 septembre 2011

Isabelle était sortie, et avait laissé Juliette dormir, pour qu’elle se repose. Elle n’avait pas encore bien assimilé tout ce qu’il s’était passé. Elle était très heureuse que son amie n’ait rien. Et très excitée à l’idée d’un dîner avec une sirène.

Tout cela paraissait sorti d’un conte de fées, ou d’une histoire que les enfants s’inventent en jouant. Le prince appelle la sirène pour sauver la princesse en danger. Et elle, au milieu, n’était qu’une simple figurante.

Il lui vint une idée saugrenue. Et si… et si tout cela avait été écrit ? Et si tout cela sortait, en effet, de contes ? La fiction se mêlerait à la réalité, transformant un monde trop banal ?

Elle arrivait à la plage. Elle vit d’abord la fourmilière, qui avait pris des dimensions pharaoniques. Puis, elle vit la mer. Toute l’anse était recouverte d’une épaisse couche de glace. Alors qu’il n’avait jamais fait aussi chaud. Des enfants s’amusaient à faire des glissades.

Non, son idée était absurde. Tous ces phénomènes étaient bien trop étranges pour être décrits dans des livres.

Elle alla quand même jusqu’au bord de la glace, et se baigna. L’eau était aussi chaude qu’avant, mais c’était rafraîchissant. Elle s’étendit ensuite sur la glace : elle était froide, mais ne brûlait pas. A ras de terre, elle pouvait voir la glace fumer. C’était joli.

Elle aperçut Jacques, qui s’était assis sur le bord d’un ponton saisi par le gel, une revue à la main. Elle lui fit signe, et il s’approcha.

#61

1 septembre 2011

Le soir était tombé. Le ciel était encore rose à l’horizon, là où le soleil venait de se coucher. Jacques s’était assis à son coin de pêche habituel. Derrière, loin, Véro et Isabelle discutaient.

Finalement, il vit la surface de l’eau se rider, et un visage familier apparaître.

– Bonsoir

– Elle va bien ?

– Un peu sonnée, mais rien de grave.

– Tant mieux… elle était très près des rochers. J’ai eu du mal à la sortir du bateau.

Il se turent un moment.

– Elles veulent te remercier. Tu lui as sauvé la vie.

– Qui ça, « elles » ?

La sirène fronça les sourcils.

– Ben… Juliette, celle qui était dans le bateau. Et Isabelle, son amie, qui m’a vu te parler… J’ai… j’ai dû leur donner des explications. Tu sais, Juliette, c’est une des personnes qui ont participé à ton sauvetage, s’empressa d’ajouter Jacques devant le regard de plus en plus sombre de la sirène.

Un silence. On n’entendait que le clapotis de l’eau. Jacques était mal-à-l’aise. Puis, il la vit se détendre.

– De rien…

Elle plongea un instant. Jacques eut peur de l’avoir froissée. Mais non, elle reparut.

– Tiens, reprend ton galet.

Jacques était surpris :

– Mais… la « dette » est effacée, non ?

– Prends.

A nouveau, le silence. Jacques hésitait à continuer.

– Elles voudraient… te connaître. Elles m’ont dit de te dire… Un repas, un soir, sur une plage où personne ne viendra, ça te dirait ? Et puis… dans le noir, au pire, on ne te verra pas, dans l’eau.

C’était au tour de la sirène d’être surprise. Elle réfléchit un moment.

– D’accord. Où et quand ?

– Après-demain. Sur la petite plage, au bout du port, là-bas. A cette heure-ci.

#60

31 août 2011

Une tête apparut un bref instant au niveau du bateau. Puis disparut. A ce moment-là, la coque se souleva, et bascula. Le mât devait avoir touché un un rocher, et s’être brisé. Mais on ne pouvait pas voir correctement, de la côte.

Jacques vit enfin ressortir deux personnes. Celle de devant commença à trainer l’autre vers la plage. Derrière, l’esquif se fracassait sur les rochers.

Une vedette de la base nautique était enfin sortie en mer, et fonçait vers le lieu du naufrage. Jacques vit une des deux femmes faire de grand signes, et la vedette dévia sa route. Elle monta un corps à bord, sembla chercher quelques chose dans l’eau, puis rentra.

Jacques rejoignit Isabelle et Véro, coupa court à leurs questions, et ils se dirigèrent – presque en courant – vers la base nautique.

L’amie d’Isabelle reprenait ses esprits, allongée sur le trampoline d’un catamaran, devant le bâtiment.

– Ouille, ma tête !

Un médecin devait venir. Elle avait une belle bosse sur le front.

– Ça va ? demanda Isabelle

– Ça pourrait aller mieux…

Apparemment, de ce dont elle se souvenait, la bôme l’avait à moitié assommée. Et quand elle avait voulu s’extirper du bateau, son gilet de sauvetage était resté coincé. Elle n’arrivait plus à bouger. Après, elle avait vaguement l’impression d’avoir été sauvée par un poisson… Mais elle pensait avoir rêvé.

Quant aux sauveteurs, il leur avait semblé apercevoir une deuxième personne qui faisait signe. Mais il n’avait rien trouvé…

#59

30 août 2011

Le bateau avait dessalé près de la côte, et la houle le poussait vers les rochers. Pourtant, il n’y avait aucun mouvement, aucune trace de la navigatrice.

– Mon Dieu, il faut faire quelque chose !

Le voilier était trop loin du port pour que les secours arrivent à temps. Surtout dans ces conditions. Et il n’était pas sûr que beaucoup de bateaux de secours soient encore à flots…

Soudain, Jacques eut une idée. Il lança du mieux qu’il pouvait le galet qu’il avait dans la poche vers la mer, en espérant de tout son cœur qu’il ricoche sur l’eau. Et il descendit quatre à quatre l’escalier, puis courut se jeter à l’eau, pour attendre.

Peut-être n’avait-elle pas survécu à la tempête. Peut-être était-elle partie. Peut-être l’avaient-ils retrouvée. Peut-être le galet n’avait pas ricoché…

Mais non, la sirène apparut, enfin.

– J’espère que tu as une bonne raison de me faire venir au milieu de tout ce monde !

– Bateau… rochers… là-bas… sauver…

Dans le fracas des vagues, les mots de Jacques se perdaient. Mais elle comprit. Elle plongea immédiatement, et disparut.

Jacques sortit de l’eau, trempé, au milieu des gens incrédules. Ils avaient vu un homme affolé courir, se jeter à l’eau, attendre, parler à une femme sortie des eaux, puis se relever pendant qu’elle disparaissait à nouveau…

Il continua à scruter la mer. L’embarcation se rapprochait dangereusement des rochers.

#58

29 août 2011

Jacques était fasciné par ce qu’il voyait. Des fourmis mutantes, suffisamment grosses pour se déplacer et travailler sur le sable. Elles étaient en train de construire un édifice gigantesque, d’une complexité architecturale qui aurait fait pâlir d’envie les bâtisseurs de cathédrales. Elles devaient sécréter une sorte de cire, pour que cela tienne debout, malgré le vent.

– Est-ce que Denise a des enfants ?

Jacques et Véro se retournèrent, surpris.

– Pardon ?

– Denise, est-ce que vous savez si elle a eu des enfants ?

– Ben, euh… je sais pas, en fait, répondit Jacques.

– Son mari était dans la marine… mais je crois qu’elle en a eu un… je sais pas, en réalité. Je n’en ai jamais vu. Pourquoi ? rajouta Véro

– Pour, euh… comme ça, bredouilla Isabelle.

Elle semblait gênée. Elle changea de sujet.

– Drôle de temps, non ?

– Oh, des coups de mistral… c’est plutôt fréquent, par ici.

Jacques voyait qu’elle était de moins en moins à l’aise.

– Je… Y’a mon amie qui est partie en bateau. C’est elle, là-bas. Elle… elle vous a aidé avec les sirènes, vous savez ?

Elle montra le large, et ils virent, au loin, la voile blanche du petit bateau. Soudain, alors qu’elle virait de bord, une rafale la fit chavirer.

– Oups… on dirait qu’elle est allée à l’eau ! s’exclama Véro.

– Oui… ça arrive, répondit Isabelle.

#57

28 août 2011

Isabelle marchait sur la plage, les pieds dans l’eau. Il soufflait un mistral assez fort, mais cette plage était protégée du vent. Au loin, Juliette filait à grande vitesse, en Laser.

Isabelle pensait toujours à Denise, et avait déjà échafaudé mille théories, plus invraisemblables – et sordides – les unes que les autres, concernant cet enfant caché. C’était stupide, elle le savait, mais elle ne pouvait s’en empêcher.

Elle était convaincue que la réponse à ses questions était dans le bureau. Mais il était verrouillé, et elle se sentait bien incapable de subtiliser la clé à Denise, pendant sa sieste sur le canapé.

Elle fut ramenée à la réalité par un insecte qu’elle manqua d’écraser. En y regardant de plus près, elle s’aperçut que c’était une fourmi – de trois centimètres de long. Il y en avait toute une colonie, en train de bâtir une fourmilière géante, au milieu de la plage.

Elle contourna le chantier, et remonta sur la route. Elle se mit à la rambarde, à contempler les ouvrières qui s’activaient à l’érection d’une fourmilière très aérienne.

– Bonjour !

Elle se retourna. C’était la femme qui était passée la veille, Véronique. Elle était accompagnée de Jacques.

– Bonjour, répondit-elle.

Elle se força un peu à sourire.

– Bonjour, dit enfin Jacques.

Ils se retournèrent, pour contempler la fourmilière.